Développement économique

Valeur ajoutée de la coopération

Les acteurs publics et privés se trouvent dans un jeu complexe entre concurrence et coopération de part et d’autre de la frontière. Il s’agit de passer de la pure concurrence à la "co-opétition", qui combine coopération et concurrence.

Une dynamique qui repose sur le fait de se rapprocher de son voisin car il apporte ce qui manque au développement. Le développement économique en transfrontalier peut apporter une valeur ajoutée pour l’ensemble du territoire, en répondant à des enjeux de codéveloppement visant la juste répartition des ressources transfrontalières, notamment entre pays de résidence et pays d’emploi des travailleurs transfrontaliers1.

La coopération transfrontalière en matière de développement économique est également stratégique pour favoriser la mise en place de zones d’activités transfrontalières respectueuses de l’environnement (limitation de l’étalement urbain, de l’artificialisation des sols…) et répondant à des enjeux cruciaux de sobriété foncière. Le partage d’un même foncier transfrontalier doit aussi permettre de freiner la concurrence entre entreprises. C’est notamment ce qui est proposé avec la proposition de création d’un pôle transfrontalier d’activité multisite dans la Région du Rhin Supérieur, dans le cadre du projet MORO Rhin Supérieur.

La mise à disposition des outils adéquats pour les acteurs économiques est conditionnée par cette prise de conscience, afin de surmonter la méfiance réciproque des acteurs économiques au niveau local, l'un des obstacles majeurs à la coopération dans un contexte concurrentiel prédominant.
Deux logiques peuvent amener à coopérer, la logique de complémentarité, et la logique d’économie d’échelle.

La logique de complémentarité

Si deux ou trois Etats avec différents systèmes se rencontrent sur une frontière il y a la possibilité pour les entreprises, de faire jouer la complémentarité, de "prendre ce qui est le mieux" dans chaque système national ("Zapfhahnmodell": en termes de système légal, administratif, etc.). Ce qui semble à première vue être une difficulté constitue aussi une opportunité : les entreprises peuvent tirer profit des différences en choisissant le système adapté à leur besoin (une entreprise localise ses fonctions tertiaires d’un côté de la frontière et ses fonctions logistiques de l’autre côté, comme on peut l’observer dans la région du Grand Copenhague, entre Copenhague et Malmö), ou encore en exploitant le potentiel multiculturel ou multilingue du territoire. La disparité des forces économiques et la différence en termes de tissu économique ou industriel de part et d’autre de la frontière peuvent ainsi devenir un atout.

Toutefois, cela ne résout pas le problème des charges induites pour les municipalités qui doivent financer des politiques publiques pour les habitants, sans pour autant disposer des ressources fiscales souvent liées à l’activité économique ; des accords fiscaux existent entre certains Etats (par exemple entre la France et l’Allemagne où le pays de résidence du travailleur frontalier est le seul pays autorisé à imposer le revenu des travailleurs frontaliers, tout en ayant l’obligation de transférer à l’autre pays une partie de l’impôt ainsi collecté), mais ce n’est pas toujours le cas. La question d’une plus grande coordination fiscale entre Etats est ainsi posée.

La logique d’économie d’échelle

La deuxième logique qui peut amener à coopérer est celle de l’économie d’échelle.La coopération transfrontalière permet une ouverture du territoire à 360° pour les habitants ou les entreprises. Ces dernières peuvent ainsi faire jouer des économies d’échelle ou d’agglomération, en termes de taille des marchés, d’équipements et de services publics. Il en est de même pour les PME.
L’une des retombées les plus importantes concerne la division des coûts d’investissement entre les partenaires en matière d’infrastructures, de laboratoires, etc. souvent très coûteux dans les secteurs innovants. La mutualisation entre régions transfrontalières des moyens consacrés à la recherche, au développement et à la diffusion de l’innovation est un facteur de développement économique des territoires, ce qui passe notamment par le développement de la formation dans le domaine des TIC.  Cette montée en puissance commune est d’autant plus nécessaire pour conquérir les marchés locaux, européens et globaux. Un marketing commun des entreprises, une présence commune aux foires internationales permettent d’être plus visible et de partager les coûts. Cette économie d’échelle peut s’appliquer aux clusters transfrontaliers recouvrant un secteur d’activité et rassemblant l’ensemble des acteurs concernés. 

Concernant l’investissement dans des équipements et services publics transfrontaliers, des outils de gouvernance et financiers adaptés existent et doivent continuer à être promus : GECT, projets Interreg, complémentarité entre les Fonds Européens Structurels d’Investissement, outils mis à disposition par les banques nationales de développement et la Banque Européenne d’Investissement tels que les plateformes d’investissement, le regroupement de projets etc (voir l’évènement organisé par la MOT en 2016 sur l’investissement transfrontalier).  En dépassant le contexte local, on peut arriver en transfrontalier à une situation "gagnant-gagnant" pour les territoires, leurs entreprises et leurs habitants.

Le développement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) permet ainsi de faciliter les échanges en réduisant la nécessité et l’automaticité des rencontres physiques entre acteurs, donc les déplacements, grâce à une communication virtuelle. Depuis 2020, la crise sanitaire a d’ailleurs considérablement accéléré cette transition vers le numérique.
 Par exemple, l’e-éducation et l’e-administration (en particulier le développement de l’open data) permettent un meilleur accès des populations aux ressources éducatives (accès aux bibliothèques numériques par exemple) et aux services publics et administratifs des deux côtés de la frontière, dans un souci d'une meilleure intégration du territoire transfrontalier. La numérisation de ces services publics en transfrontalier est d’ailleurs un enjeu clé dont se saisit la Commission européenne dans son rapport du 14/07/2021 relatif aux régions frontalières de l’UE.
D’autres domaines comme la culture (développement de medias transfrontaliers, etc.) ou la sécurité sont pertinents dans le contexte transfrontalier.

Plus d’informations sur les services publics


1. Dans son rapport intitulé « Une répartition équitable de l’impôt dans les zones transfrontalières », Karl-Heinz Lambertz rappelle ainsi le caractère essentiel d’une répartition équitable de l’impôt entre les lieux d’emploi et de résidence des travailleurs afin de ne pas compromettre la cohésion des territoires. Ces enjeux de codéveloppement doivent ainsi être un objectif commun des autorités locales et régionales des lieux d’emploi des travailleurs transfrontaliers.