France-Allemagne

Frontière France-Allemagne

Frontière France-Allemagne

Une frontière-creuset où se concentrent de multiples échanges

Frontière-creuset, fixée depuis 1945 après une longue période d’instabilité, la frontière franco-allemande n’est marquée par aucun obstacle physique majeur - le Rhin étant davantage une voie de communication qu'une barrière à l'exception du massif gréseux des Vosges du Nord. Elle joue le rôle d’une zone de contact entre les cultures germanique et latine, comme en témoigne l’importante communauté de langues des populations qui s’y côtoient. La plupart des Alsaciens et une grande partie des Mosellans parlent ou comprennent l'Allemand, ainsi que des dialectes germaniques, le francique en Moselle et dans le nord de l'Alsace, l'alémanique dans le sud de l'Alsace (parlé aussi dans les pays de Bade en Allemagne et les Cantons de Bâle en Suisse). Les deux versants nationaux partagent des profils économiques proches (anciennes zones minières et industrielles) avec des défis de reconversion similaires et une culture fondée sur le bilinguisme franco-allemand et francique très répandu du côté français.

diplomatie transfrontalière franco-allemande et RENFORCEMENT DE LA COOPéRATION

En 2003, à l’occasion du 40e anniversaire du Traité de l’Elysée, la création du Conseil des Ministres franco-allemand devient l’organisation de référence pour une étroite association institutionnelle et politique. Lors de la Déclaration commune, le président français Jacques Chirac et le chancelier allemand Gerhard Schröder affirme leur volonté de développer la coopération et une intercommunalité transfrontalière. Ils appellent à la création d'Eurodistricts, structure sans personnalité juridique, l’Eurodistrict est une déclaration politique des chefs d’Etat en faveur de la coopération transfrontalière.  

En 2009 se tient à Paris le premier Dialogue franco-allemand sur la coopération transfrontalière dont les réunions se renouvellent dans les années suivantes. Le Dialogue rassemble des représentants ministériels, des services déconcentrés de l’Etat et des collectivités régionales et examine les questions essentielles qui se posent entre tous les échelons administratifs territoriaux. Il traite notamment de coopération linguistique, policière, de sécurité sociale, de fiscalité et de transports. Il suit par ailleurs les activités du Rhin supérieur, de la Grande Région et des cinq Eurodistricts franco-allemands.

- Déclaration de Berlin en 2013 

Le 22 janvier 2013, à l’occasion du 50e anniversaire de la signature du traité de l’Elysée symbole des liens indissociables qui lient les deux pays, la France et l’Allemagne rappellent la nécessité d’une coopération transfrontalière et d’une intégration des régions. L’anniversaire donne lieu à la publication de la Déclaration de Berlin. A cette occasion, le couple franco-allemand place la jeunesse au cœur de ses préoccupations. La déclaration accorde une large place à la coopération transfrontalière et à l’intégration entre régions. Elle prévoit notamment une plus grande coopération dans les secteurs de l’économie, du marché du travail, de la santé, de la formation, de l’éducation, de la sécurité, du transport et de l’énergie.

- Déclaration de Metz en 2015

Une conférence ministérielle franco-allemande s’est tenue les 6 et 7 juillet 2015 à Metz, en présence d’Harlem Désir, secrétaire d’Etat aux affaires européennes et de son homologue allemand, Michael Roth, tous deux secrétaires généraux pour la coopération franco-allemande. Deux ans après la conférence de Sarrebruck de juillet 2013, l'événement a rassemblé les élus, acteurs institutionnels, dont la MOT, et les représentants de la société civile. En concertation avec les régions et les Länder concernés, les deux ministres ont signé une déclaration commune, la Déclaration de Metz, définissant un agenda commun pour intensifier la coopération notamment en matière d'intégration des marchés du travail et de la formation professionnelle.

Selon Harlem Désir, l'objectif est "de faire en sorte que la prochaine génération soit bilingue. […] On voit ici et là que certains veulent rétablir des frontières. C'est le contraire qu'il faut viser. Les frontières ne sont pas des murs, ce sont des ponts".

La Déclaration de Metz définit des objectifs concrets, touchant la vie quotidienne des habitants :

  • Le soutien à la mobilité professionnelle entre les deux pays, notamment avec la mise en œuvre de l'apprentissage transfrontalier ou la coopération entre les entreprises
  • L'enseignement de la langue du partenaire, avec un renforcement du réseau des écoles bilingues et un meilleur accès aux formations linguistiques, notamment grâce aux nouvelles technologies
  • La coopération universitaire, l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation
  • La coopération en matière de transport, en développant notamment le covoiturage transfrontalier
  • La coopération en matière d'énergie et d'environnement
  • L'intégration sociale, la solidarité, le sport et la culture, notamment grâce aux échanges de jeunes en service civique et à l'accueil des jeunes dans le cadre du service volontaire européen
  • La coopération sanitaire, afin d’utiliser de manière optimale les ressources disponibles en particulier en matière de soins hospitaliers
  • La coopération dans le domaine de la police, comme l'actuelle brigade fluviale commune sur le Rhin, ou encore les patrouilles cyclistes franco-allemandes.

A noter : un paragraphe met en avant l'importance des initiatives prises en matière d'observation statistique territoriale pour les régions frontalières. 

- Déclaration de Hambach en 2017

Les 5 et 6 avril 2017 à Hambach, en Moselle, s'est tenue la troisième conférence transfrontalière franco-allemande, en présence d'Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes (FR), et de Michael Roth, ministre chargé des affaires européennes (DE). Ils ont signé à cette occasion la Déclaration de Hambach, déclaration commune qui affirme la volonté de poursuivre "l'intégration dans la région transfrontalière franco-allemande dans un esprit de bénéfice mutuel, au service des citoyennes et citoyens et du développement économique et social". Elle identifie des thèmes de coopération à renforcer comme la jeunesse, l'intégration des marchés du travail, les langues, l'enseignement supérieur, les transports, le développement durable, l'intégration sociale, la santé à la coopération policière et judiciaire.

- Renouvellement du Traité de l'Elysée en 2018

Le transfrontalier revient au cœur de la diplomatie franco-allemande en 2018, à l’occasion du 55ème anniversaire du Traité de l’Elysée. En effet, Emmanuel Macron et Angela Merkel lui ont rendu un commun hommage le 22 janvier, et ont annoncé la signature d’un nouveau Traité de l’Elysée en 2018. Le Bundestag allemand et l’Assemblée Nationale française, réunis en session commune le 22 janvier, ont adopté une résolution invitant les deux gouvernements à renouveler ce traité. Les recommandations des parlementaires appellent les deux Etats à « développer la coopération transfrontalière » et à « accroître les compétences des Eurodistricts ». Ainsi, sur les 26 sujets qu’ils souhaitent voir développer dans un nouveau texte, la coopération transfrontalière est particulièrement mise à l’honneur, dont la coopération des écoles, les transports de proximité, l’apprentissage de la langue, le soutien aux projets communs, etc. Le nouveau Traité devra ainsi « faciliter la vie de habitants des régions frontalières, en permettant à des Eurodistricts transfrontaliers investis de compétences accrues d’apporter des solutions novatrices dans les domaines de l’éducation, des prestations sociales, de l’emploi et de la sécurité ». La résolution soutient également le projet de consultations citoyennes proposé par Emmanuel Macron, pour permettre à chacun de participer à la relance du projet européen. 

Lien vers l’article dans la newsletter de la MOT de février 2018

En vue du renouvellement du traité de l’Elysée en 2018, Sylvain Waserman, député (MoDem) du Bas-Rhin et conseiller régional du Grand Est, a été chargé de la rédaction d’un rapport sur l’approfondissement de la coopération transfrontalière franco-allemande. Officiellement remis au premier ministre français le 18 mai 2018, ce rapport formule six propositions concrètes pour donner un nouvel élan au transfrontalier franco-allemand :

  •  1 - L’apprentissage de la langue et de la culture du voisin, comme "priorité mutuelle".
  •  2 - La création d'un "Schéma de Développement Transfrontalier" pour définir une vision commune et des projets prioritaires".
  •  3 - Trois innovations territoriales déterminantes : "un principe de différenciation territoriale pour les eurodistricts, des EPCI transfrontaliers de proximité et de nouvelles coopérations transfrontalières".
  •  4 - Le lancement d'une "Commission Franco-Allemande de Stratégie Transfrontalière" pour accélérer le développement transfrontalier.
  •  5 - La mise en œuvre "d'une instance pérenne de convergence pour faciliter la concordance des droits et faire des territoires transfrontaliers des laboratoires de la convergence européenne".
  •  6 - L'affirmation de "Strasbourg, capitale des citoyens européens".

La MOT a assisté l'équipe parlementaire dans l'élaboration de ces propositions.

Parallèlement, un groupe de travail franco-allemand composé de dix-huit députés français et allemands a été créé afin de préparer une proposition d’ "Accord parlementaire franco-allemand" sur la coopération entre les deux assemblées. Il se réunit régulièrement durant l’année 2018 pour terminer ses travaux avant le 22 janvier 2019 (56ème anniversaire du Traité de l’Élysée).  Il est associé aux négociations intergouvernementales sur la mise à jour du Traité de l’Élysée. En mai 2018, il a adopté deux positions : 

- Le Traité d’Aix-la-Chapelle de 2019

Le 22 janvier 2019 la Chancelière Angela Merkel et le président de la République Emmanuel Macron ont signé un nouveau traité de coopération et d’intégration entre leurs deux pays : la France et l’Allemagne. Signé à Aix-la-Chapelle, ce nouveau traité vient compléter le traité de l’Elysée de 1963. Le transfrontalier est de fait reconnu comme un élément central de la construction européenne.
Ce traité vise à renforcer les liens déjà étroits entre la France et l’Allemagne au niveau de la politique économique, de la politique étrangère et de sécurité, de l’éducation et de la culture, de la recherche et de la technologie, du climat et de l’environnement. L’objectif est de garantir une Europe plus souveraine, unie et démocratique dans laquelle les citoyens sont prospères et en sécurité.
Au sein du traité d’Aix-la-Chapelle un chapitre entier est dédié à la question transfrontalière. La MOT a participé à la rédaction de ce chapitre qui vise à éliminer les obstacles liés au transfrontalier afin de simplifier le quotidien des transfrontaliers. De fait, les collectivités territoriales des territoires transfrontaliers et les entités transfrontalières se retrouvent dotés de ressources et de procédures accélérées dédiées à la question.
Le Traité a permis la mise en place d’un comité de coopération transfrontalière franco-allemand. Le CCT dispose d’une feuille de route annuelle. Chaque année, les représentants des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères français et allemand mais aussi les membres exécutifs locaux se réunissent afin d’aborder les questions liées au transfrontalier.
A travers ce traité la France et l’Allemagne cherche à inspirer les autres frontières françaises et européennes.

Les 15 projets prioritaires du Traité
Texte du traité

Deux grands espaces transfrontaliers

Deux espaces transfrontaliers structurent les territoires de part et d’autres de la frontière : l’espace trinational franco-germano-suisse du Rhin Supérieur et l’espace franco-belgo-germano-luxembourgeois de la Grande Région.

Le premier englobe quatre territoires structurés autour du bassin rhénan : l’ancienne région Alsace, le Nord-Ouest de la Suisse, le Pays de Bade et l’extrême sud du Palatinat. Les trois quarts de l’espace sont occupés par le Pays de Bade et l'ancienne région Alsace. L’espace couvre 21 500 km² et compte plus de 6 millions d’habitants. Encadrés par des massifs montagneux, la Forêt Noire à l’Est, les Vosges à l’ouest et une partie du Jura à l’extrémité sud, ces territoires sont en majorité boisés (44% de la superficie). L’agriculture constitue l’un des viviers économique de cet espace avec 41% de surfaces agricoles. Nonobstant la frontière suisse, le Rhin supérieur couvre l’ensemble de la partie Est de la frontière franco-allemande et forme un ensemble géographique cohérent.

L’espace transfrontalier de la Grande Région comprend avec la frontière franco-allemande, une partie de la frontière franco-belge et la franco-luxembourgeoise. Il couvre ainsi quatre pays et près de 65 401 km². La Sarre et la Rhénanie-Palatinat font partie de ses territoires frontaliers avec la Région Grand Est, bien qu’ils ne soient pas les principaux moteurs des flux et gardent leurs identités respectives. Le Grand-duché du Luxembourg concentre en effet la majorité de la mobilité transfrontalière et s’inscrit comme le véritable pôle de développement économique et territorial de la Grande Région.

Trois agglomérations transfrontalières

Trois agglomérations transfrontalières centralisent les flux sur la frontière franco-allemande.  Situées dans le territoire du Rhin Supérieur, le long du fleuve, Strasbourg-Kehl et l’Eurodistrict Trinational de Bâle constituent des espaces urbains transfrontaliers dynamiques.

Au sein de l’Eurodistrict Trinational de Bâle, véritable pôle économique, la partie suisse de Bâle draine la plupart des migrations en provenance des pays limitrophes.

Le GECT "Eurodistrict Strasbourg-Ortenau" comprend, quant à lui, les territoires de Strasbourg et de l’Ortenaukreis, qui s’étendent respectivement sur les rives Ouest et Est du Rhin. Ces territoires forment un ensemble de 921 000 habitants.

L’Eurodistrict SaarMoselle, deuxième centre de la Grande Région après Luxembourg, de par sa taille (615 000 habitants) et sa situation géographique, sur le cours de la Moselle au Nord-Ouest de la frontière, est marquée par une certaine homogénéité de ses paysages et de ses espaces vécus. Il s’est constitué sous la forme d’un GECT en 2010.

Autres espaces de coopération

Territoire très actif de coopération, l’Eurodistrict REGIO PAMINA regroupant le Palatinat du Sud, le Mittlerer Oberrhein et le Nord Alsace a été créé en 1988. Il s’est structuré en tant que Groupement local de coopération transfrontalière (GLCT) en 2003, puis comme Groupement européen de coopération territoriale (GECT) en 2017. Structure de coopération plus récente, l’Eurodistrict Region Freiburg - Centre et Sud Alsace a été créé en 2006. Il bénéficie notamment d’un réseau de transport très développé.

La frontière franco-allemande se caractérise également par une faible présence d’espaces naturels. Seule la réserve de Biosphère transfrontalière Vosges-Pfälzerwald (1998), qui regroupe le Parc Naturel Régional des Vosges du Nord (Moselle, Bas-Rhin, créé en 1975) et le Naturpark Pfälzerwald (Rhénanie-Palatinat, créé en 1958) constitue un espace naturel singulier et fait l’objet d’une coopération avancée.

Une concentration hétérogène des flux

Les relations transfrontalières entre la France et l'Allemagne sont anciennes et très denses. D'importants flux de proximité - travailleurs, étudiants, patients et chalands - circulent dans les deux sens entre les deux pays. Malgré un léger recul des flux de travailleurs vers l’Allemagne, le pays reste la troisième destination des navetteurs résidents en France après la Suisse et le Luxembourg. L'Allemagne reçoit environ chaque jour 46 000 travailleurs domiciliés en France (source : Commissariat général à l'égalité des territoires, 2017).  Les flux de travailleurs de l'Allemagne vers la région Grand Est sont en revanche faibles (1 700 personnes environ) en raison d'une situation de l'emploi nettement moins favorable en France et de salaires moins élevés qu'en Allemagne. 

Les échanges commerciaux de part et d'autre de la frontière sont intenses. Dans le cas de Strasbourg, la zone de chalandise de la capitale alsacienne déborde largement sur le territoire allemand. L'Alsace attire un grand nombre de touristes allemands, phénomène accentué par les coûts inférieurs de la restauration et de l'hébergement hôtelier en France. Entre 2008 et 2010, le nombre de travailleurs frontaliers a augmenté de 8% dans le Rhin supérieur.

Il existe également des relations anciennes mais moins denses entre la France et les Länder de Sarre et de Rhénanie-Palatinat. Les flux de travailleurs frontaliers lorrains en Sarre ont fortement diminué. En effet 17 100 lorrains y étaient employés en 2017, soit 800 personnes de moins qu'en 2015 et 400 de moins qu'en 2016. Par ailleurs parmi ces 17 100 personnes, 4 900 sont des allemands qui se sont installés du côté français de la frontière, en continuant à aller travailler de l’autre côté. La Rhénanie-Palatinat enregistre une évolution semblable avec en 2017, 4300 frontaliers venant de France, 100 de moins qu'en 2016 (chiffres de la Direction régionale de l'emploi, source : Le Républicain Lorrain, 2018). Les principales zones d’emploi au sein de ces territoires sont les agglomérations de Sarrebruck et Saarlouis. Cependant, il ne s’agit pas de flux de proximité. La majorité des frontaliers originaires de France ne viennent pas du territoire de l'ancienne région Lorraine (limitrophe) mais de celui de l'ancienne région Alsace. 

Alors qu’en 1990 l’Allemagne était la deuxième destination des travailleurs frontaliers venant de France, ces flux diminuent aujourd’hui, et sont marqués par un important vieillissement. En effet, le nombre de travailleurs frontaliers français allant travailler en Allemagne a diminué de 15 000 personnes depuis 2010, et la proportion des moins de 30 ans est passée de 32% en 1990 à 8% en 2013, alors que celle des plus de 50 ans est passée de 8% à plus d’un tiers des actifs travaillant en Allemagne. Ces phénomènes témoignent d’un non-renouvellement des travailleurs frontaliers français vers l’Allemagne, qui pourrait être dû à un décalage entre la demande des entreprises allemandes et les qualifications des travailleurs français (source : Commissariat général à l'égalité des territoires, 2017). 

 

Photo : Shutterstock / SF photo