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Citoyenneté et solidarités par temps de crise : interview croisée en amont du Borders Forum
Juin 2022Quel rôle pour les espaces frontaliers en matière de citoyenneté européenne? Comment les acteurs transfrontaliers répondent-ils à l’accueil des populations déplacées? Chantal Jouanno, Gaëtane Ricard-Nihoul et María Ángeles Elorza Zubiría, qui interviendront lors Borders Forum, tentent d'y répondre.
L'événement, labellisé par la Présidence française du Conseil de l'Union européenne, se déroule les 21 et 22 juin à la Cité Internationale Universitaire de Paris. Programme et inscriptions.
Le dossier de presse
Le communiqué de presse du mois de juin sur le thème de la citoyenneté
Attention clôture des inscriptions le 15 juin
Témoignages d'intervenants.
Chantal Jouanno est présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) ; Gaëtane Ricard-Nihoul, membre du Secrétariat commun de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, et María Ángeles Elorza Zubiría, secrétaire générale pour l’action extérieure du Gouvernement basque.
Que représentent pour vous les territoires transfrontaliers ?
Gaëtane Ricard-Nihoul : à l’heure où les frontières sont à nouveau au cœur d’une actualité que l’on croyait révolue, les territoires transfrontaliers sont de fantastiques laboratoires de la devise de l’Union : "unis dans la diversité". Aujourd’hui l’union signifie plus que jamais le partage des valeurs et des droits fondamentaux et l’attachement au bien commun qu’est le dialogue démocratique pacifique. Et la diversité enrichit ce dialogue, elle le bonifie, le rend plus intéressant et plus créatif. C’est ce qu’ont montré toutes les expériences de dialogue transnational qui ont été menées dans le cadre de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, bien sûr les Panels Citoyens Européens mais aussi de nombreuses expériences transfrontalières.
María Ángeles Elorza Zubiría : l’Eurorégion "Nouvelle-Aquitaine - Euskadi – Navarre" (NAEN), est un GECT comprenant trois régions de deux pays. Elle couvre 101 678 km² pour une population de 8 744 648 habitants. C'est un espace de coopération visant à améliorer le bien-être et la qualité de vie de ses citoyens, en contribuant au développement économique, social et culturel à l’échelle transfrontalière, interrégionale et européenne. Les territoires qui en font partie travaillent avec le double objectif de surmonter les obstacles pour avancer vers un espace transfrontalier commun et de le promouvoir comme un espace de développement humain durable, contribuant à une plus grande intégration du projet européen. Environ 30 % des citoyens de l’Union vivent dans des environnements transfrontaliers, ce qui témoigne de l’importance de la cohésion des zones transfrontalières pour une construction européenne aussi harmonieuse que possible. Par ailleurs, les territoires transfrontaliers sont un paradigme des obstacles à grande échelle auxquels est confrontée l’intégration européenne, et un laboratoire de premier ordre pour la recherche de solutions.
Comment permettre aux citoyens de peser davantage dans les processus décisionnels de part et d’autre d’une frontière ?
Chantal Jouanno : le droit français permet à toute personne, sans condition de nationalité, d’être informée et de participer à l’élaboration des projets qui ont un impact sur l’environnement. La CNDP est garante de ce droit. De fait, la frontière n’a pas d’existence pour la CNDP, seul compte l’intérêt porté à un projet ; il faut que les personnes se sentent concernées en raison de leur proximité géographique ou compte tenu de la nature même du projet.
Quel rôle peuvent jouer les habitants des espaces frontaliers pour développer la citoyenneté européenne ?
Gaëtane Ricard-Nihoul : les espaces transfrontaliers sont clairement des laboratoires pour le développement d’une citoyenneté européenne vivante, qui s’ajoute à la citoyenneté nationale et aux identités locales. Dans ces espaces, la citoyenneté européenne active n’est pas un concept mais quelque chose que l’on peut vivre au quotidien. Les habitants de ces territoires ont beaucoup à apporter au développement de cette citoyenneté, en montrant ses atouts mais aussi parfois les points sur lesquels des choses pratiques sont à améliorer. Ils sont aussi un lieu d’expérimentation démocratique. Les premières assemblées citoyennes multilingues, rassemblant des citoyens tirés au sort venant de tous les horizons, ont eu lieu en transfrontalier et c’est grâce à cette pratique et à leurs enseignements que nous avons pu nous lancer dans des assemblées pan-européennes pour la Conférence sur l’Avenir de l’Europe.
Quel rôle des acteurs transfrontaliers dans l’accueil des populations déplacées en transit sur leur territoire ?
María Ángeles Elorza Zubiría : la crise provoquée par la pandémie de Covid-19 nous a confrontés à une situation sans précédent dans laquelle tous les aspects de notre vie ont été mis à l’épreuve, y compris des réalités aussi incontestables que la liberté de circulation des personnes et des travailleurs au sein de l’UE. Par conséquent, les régions frontalières et leurs habitants ont souffert plus que les autres des effets de la pandémie. Cette situation a été prolongée par des contrôles frontaliers de sécurité nationale, affectant particulièrement les migrants en transit.
L’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’UE reconnaît les défis auxquels sont confrontées les régions frontalières et stipule que l’Union doit accorder une attention particulière à ces régions. Les régions frontalières sont les lieux où le processus d’intégration européenne devrait être perçu le plus positivement, mais vivre dans des systèmes administratifs et juridiques différents reste complexe et coûteux. En effet, la Commission européenne estime que si seulement 20% des obstacles transfrontaliers existants étaient supprimés, les régions frontalières pourraient augmenter leur PIB de 2%.
Dans ce contexte, il est essentiel de renforcer la collaboration entre les territoires frontaliers pour ré pondre aux crises migratoires afin d’offrir un accueil digne aux personnes fuyant leurs pays respectifs. Les territoires transfrontaliers doivent faire un effort pour garantir aux personnes migrantes leurs droits fondamentaux, relatifs à la dignité humaine et au respect de la loi.
Le Pays basque travaille activement dans ce sens avec ses partenaires territoriaux transfrontaliers. Un exemple : la collaboration mise en place entre le gouvernement basque et l’Agglo Pays Basque-Euskal Hirigune Elkargoa pour aider les migrants en transit autour de la frontière.
Qu'attendez-vous du Borders Forum 2022 ?
Gaëtane Ricard-Nihoul : nous devons réaliser plus que jamais le trésor que représente un espace transfrontalier qui vit en paix, qui peut construire des ponts plutôt que les détruire. Cela pouvait paraitre banal hier, dans un continent européen que l’on croyait préservé de la guerre. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. J’espère que le Borders Forum sera une nouvelle occasion de réaliser que nos démocraties sont à chérir au quotidien et que la diversité et le dialogue sont deux de ses moteurs fondamentaux. Les espaces transfrontaliers sont les lieux par excellence où ces deux moteurs peuvent être renforcés et régénérés, à travers des projets concrets qui relient les gens au quotidien. Il y a tellement d’acteurs publics ou de la société civile qui s’investissent dans ces projets avec cœur. J’espère donc que le Forum sera l’occasion de les mettre en lumière, d’apprendre des bonnes pratiques et de leur donner les moyens de se multiplier.
María Ángeles Elorza Zubiría : qu'il soit un forum de réflexion adéquat et enrichissant, permettant de tirer parti des meilleures pratiques dans les différentes zones frontalières, sachant que chaque réalité transfrontalière est différente, mais qu'elles ont en commun des réalités importantes à partager et à faire progresser.
Pour poursuivre sur ces enjeux passionnants, rendez-vous les 21 et 22 juin à Paris pour la deuxième édition du Borders Forum. Attention c'est le dernier jour pour s'inscrire !