France-Suisse

Frontière France-Suisse

Frontière France-Suisse

Mobilité et emploi des frontaliers

Le déséquilibre des flux

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La Suisse est le premier pays d’accueil de travailleurs frontaliers résidant en France : elle concentre près de 45% des flux sortants de France avec environ 160 000 personnes( pour une masse salariale estimée à 11,2 milliards de Francs suisses)1. Ce nombre de travailleurs a augmenté de 60% entre 1999 et 2016 après avoir stagné dans les années 1990. Cette croissance est la conséquence des accords sur la libre circulation des personnes entre l’Union Européenne et la Suisse entrés en vigueur en 2002 mais également de la forte attractivité helvétique.  En 2018, la Suisse affichait un PIB par habitant, 1,5 fois supérieur à celui de la France et les niveaux de salaires y sont parmi les plus élevés. De plus, l’Ouest de la France est francophone, ce qui favorise l’accès à l’emploi et les flux en direction de ce pays. 
En 2016, 69400 personnes, soit 60% des frontaliers d’Auvergne-Rhone-Alpes, travaillaient dans la commune de Genève. Au total, plus de 80 000 travailleurs en provenance de France et du Canton de Vaud voisin se rendent chaque jour dans le Canton suisse.  Depuis 2000, ce nombre est en perpétuelle augmentation dans le Canton de Genève, une progression nettement supérieure à l’ensemble de la Suisse. Le canton de Genève partage plus de 100 km de frontières terrestres avec l’Ain et la Haute-Savoie, contre seulement 5km avec le reste de la Suisse, ce qui explique également cette importante progression. De plus, le canton de Genève offre énormément d’opportunités professionnelles étant donné son fort développement. Ainsi, 28% des emplois sont occupés par des résidents français à Genève contre 7% en Suisse de manière générale.
Une migration plus diffuse s’effectue à travers le massif jurassien vers les Cantons helvétiques limitrophes. La plus grande partie de ces flux de travail vers la Suisse concerne l'horlogerie, les petites villes de Franche-Comté disposant d'une main d'œuvre qualifiée. Ils sont très ténus dans les autres domaines, y compris l’agriculture.
Les flux de travailleurs suisses en direction de la France, peu nombreux, se concentrent principalement vers le Haut-Rhin.

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Les stratégies en matière d’emploi

Des stratégies actives pour l’emploi ont été mises en place à partir des années 1960.
Le "Groupement transfrontalier européen" (GTE), créé en 1963, a pour objectif de représenter et de défendre les travailleurs frontaliers de part et d’autre de la frontière. Association à but non lucratif, il assure une meilleure intégration des travailleurs frontaliers de part et d’autre de la frontière, à travers des actions de représentation et de nombreux services qui leur sont destinés (assistance juridique, fiscale, sociale, etc).
Le Groupement gère des Maisons transfrontalières, guichets uniques d’information transfrontalière implantés tout au long de la frontière franco-suisse. Les Maisons regroupent 19 partenaires français et suisses assurant des permanences d’information-conseil dans leurs locaux.
Le Réseau Infobest, ensemble d’instances de rencontres et d'information implanté dans la Région trinationale du Rhin supérieur, dispose d’un lieu d’accueil spécifique (Infobest Palmrain) pour la région trinationale de Bâle à Village-Neuf dans le département du Haut-Rhin. Le réseau permet de conseiller, d’orienter et d’informer les citoyens sur les conditions de vie et de travail en France, en Allemagne et en Suisse.
Un autre exemple, le projet de "Modularisation de l’offre transfrontalière", dirigé par la Maison de l’économie et du développement d’Annemasse  et l’Office pour l’orientation et pour la formation professionnelle et continue du Canton de Genève, a pour but la conception et le suivi d’une méthode transfrontalière de modularisation des parcours de formation professionnelle. L’équipe s’emploie à concevoir des outils permettant d’analyser, de comparer et de concevoir une offre mettant en lien les compétences et les contenus de formation proposés dans les deux pays.

Une gouvernance commune en matière de transports publics transfrontaliers

La densité des flux de travailleurs et l'attractivité des espaces transfrontaliers ont engendré un phénomène de congestion des voies de transports individuels, au sein du Grand Genève comme dans l'Arc Jurassien. Cette situation a conduit les acteurs locaux à renforcer et à élargir le réseau des transports publics, mais aussi à créer de nouvelles structures comme des parkings-relais dans une dynamique de coopération transfrontalière.

Dans l'Arc Jurassien et le bassin lémanique, les autorités ont répondu à la situation en augmentant la fréquence des lignes TER ou de bus ainsi qu'en développant le covoiturage (covoiturage Léman et covoiturage Arc jurassien) et l'utilisation de navettes privées. Au sein du Grand Genève, plusieurs lignes gérées par des partenaires français raccordent les communes frontalières au territoire genevois. Afin d'améliorer leur desserte ainsi que leur tarification2, les acteurs locaux se sont réunis en Groupement local de coopération transfrontalière (GLCT), instaurant une gouvernance commune en matière de transports publics transfrontaliers.
L'action phare en la matière concerne le projet de mobilité, Léman Express. Rendu possible grâce à un nouveau tronçon central de 16 km entre Cornavin, Eaux-Vives et Annemasse (CEVA), le plus grand réseau ferroviaire régional transfrontalier d'Europe ainsi créé, relie deux cantons suisses (Vaud et Genève)  et deux départements français (l’Ain et la Haute-Savoie). Constitué de six lignes, le Léman Express relie 45 gares sur 230 kilomètres de voies afin d'optimiser l'offre de transport par rapport à l'augmentation du nombre de migrations pendulaires au sein du Grand Genève,  Au 30 septembre 2019, on comptait 85 200 travailleurs frontaliers dans le canton de Genève, lesquels utilisaient principalement leur voiture sur des axes saturés le matin et le soir. Grâce au Léman Express, la réduction espérée du trafic routier sur tout le territoire est de 12%. Le nouveau service vise également à améliorer la vie des citoyens avec un gain de temps de 45 minutes par jour pour les usagers quotidiens du parcours Annemasse-Genève.  Le Léman Express redessine également l'aménagement urbain, avec de nouveaux quartiers et hubs de mobilité autour des gares du CEVA. A Annemasse, c'est tout un quartier qui est métamorphosé et rénové : nouveau pôle multimodal, éco-quartier de 19 ha avec nouveaux logements et surfaces commerciales autour de la gare.
Dans le secteur du tourisme l'impact attendu est tout aussi important, avec les vallées de Chamonix et de Saint-Gervais qui deviennent beaucoup plus facilement joignables, notamment depuis la Suisse.

Une frontière mentale franco-suisse ?

L’afflux de travailleurs frontaliers, la congestion du trafic routier et ferroviaire ainsi que l’augmentation des loyers ont contribué à une crispation d’une partie de la population suisse. La votation fédérale de février 2014 sur l’initiative de l’UDC (Union démocratique du centre) "Contre l’immigration de masse" reflète cette tendance, les Suisses s’étant prononcés à 50,34% pour une régulation de l’immigration et la réintroduction de contingents de travailleurs annuels pour les citoyens de l’Union européenne. Cependant, les cantons frontaliers ont voté contre cette initiative, notamment Genève, Bâle-Ville, Vaud, Neuchâtel, Jura, Valais et Fribourg.
Dès juillet 2014, le plan d’application de l’initiative a été présenté par le Conseil fédéral : les contingents devraient être mis en place à partir de février 2017 sur tous les types d’autorisation à partir d’une durée de séjour de quatre mois. Ces quotas tiendront compte entre autres des besoins des cantons et de divers indicateurs (notamment le nombre d’emplois vacants ou le taux de chômage). Les conséquences de cette initiative sur les travailleurs frontaliers sont encore incertaines.
Cette nouvelle législation impactant les accords d'association entre la Suisse et l'Union européenne, l’UE s’est de son côté positionnée contre la révision du traité de libre-circulation en juillet 2014.

  1. Résider en France et travailler à l’étranger, Insee Première – N° 1537, 2015