Introduction

L’aménagement du territoire et la planification spatiale jouent un rôle crucial dans la coordination du développement des régions transfrontalières. Attaché à des compétences juridiques et à des niveaux de gouvernance spécifiques de part et d’autre de la frontière, il s’agit d’un domaine très complexe et encore à ses débuts.

Réaliser des projets d’aménagements ou d’équipements transfrontaliers nécessite de passer par une première phase de définition des orientations d’aménagement du territoire transfrontalier. Si les espaces frontaliers présentent, à de nombreuses frontières, des continuités physiques (agglomérations transfrontalières, espaces naturels limitrophes…), ils sont régis par des logiques d’aménagement hétérogènes ; dans les plans et schémas d’aménagement et de développement, la frontière a longtemps constitué une ligne butoir pour les collectivités qui les élaboraient.

Aménager le territoire à l’échelle transfrontalière s’avère très ambitieux, du fait de la divergence des réglementations légales, des pratiques d’aménagement, des cultures d’urbanisme et des langues entre les territoires. En plus, aucune harmonisation des approches nationales d’aménagement n’existe au niveau européen. Les différentes cultures de l’aménagement continuent à façonner la conception de la planification territoriale.

Avec la mobilité transfrontalière croissante, une coordination des pratiques de l’aménagement est de plus en plus nécessaire, afin de pouvoir renforcer les services et développer les infrastructures sans que la frontière représente un obstacle.

Coordonner les systèmes de planification

Aborder l’urbanisme dans un espace transfrontalier, c’est confronter des systèmes de gestion de l’espace (planification, zonage, autorisation de construire et conduite d’opération) différents de part et d’autre de la frontière. Chaque Etat a élaboré un droit et une pratique de l’urbanisme qui lui sont propres et qui laissent une marge de manœuvre plus ou moins importante aux différents niveaux de collectivités pour gérer et organiser le développement de leurs territoires. Par ailleurs, la plupart des acteurs engagés dans la coopération transfrontalière ne possède pas une connaissance fine des différents modes d’organisation institutionnels et administratifs à l’œuvre chez leurs voisins de l’autre côté de la frontière.

Si un plan d’urbanisme commun au sens réglementaire n’est pas envisageable, l’enjeu principal réside dans la recherche d’une coordination entre les politiques appliquées de part et d’autre de la frontière. En matière d’urbanisme réglementaire, cette coordination peut trouver sa source dans des démarches de planification stratégiques transfrontalière (charte, livre blanc, stratégie) définissant des orientations thématiques communes, que chaque collectivité s’engage à transposer dans ses propres documents d’urbanisme. La démarche de coordination peut également être le fait d’instances communes (GECT, GLCT, etc.) qui contribuent à définir des concepts et des principes communs.

La planification territoriale résulte d’une coopération d’une pluralité des acteurs, comprenant des maires et des fonctionnaires des collectivités, des architectes, des aménageurs ou des promoteurs de projets. La constellation de ces acteurs et l’importance du rôle de chacun peuvent être très différentes de part et d’autre de la frontière. L’aménagement transfrontalier doit être basé sur le respect des spécificités de chaque entité, tout en prenant en compte l’analyse globale du caractère du territoire.

Des schémas de coopération transfrontalière (SCT)

Le schéma de coopération transfrontalière prévu par la loi MAPTAM est un document de planification pour les métropoles frontalières de Nice, Lille et Strasbourg. Il n’a pas d’effet juridique de l’autre côté de la frontière et ne peut pas être opposé aux collectivités territoriales étrangères. Ce document de planification prospectif permet de définir les grands axes de coopération, de recenser les projets de coopération potentiels, d’identifier les outils opérationnels et financiers à disposition des acteurs et de définir le rôle des GECT dans la mise en œuvre de chaque schéma. Le contenu du SCT peut porter sur la mise en œuvre en transfrontalier des compétences pour lesquelles la métropole est désignée comme chef de file : la mobilité durable, l’organisation des services publics de proximité, l’aménagement de l’espace et le développement local. Bien que ce document ne soit pas opposable de l’autre côté de la frontière, il s’agit du premier document de planification français qui a pour thématique centrale le transfrontalier. La MOT a contribué à l’élaboration des SCT dans trois métropoles frontalières : Lille, Strasbourg, Nice.

Concevoir un aménagement du territoire transfrontalier

En matière d’aménagement, la première tâche des partenaires frontaliers consiste à retourner la vision du territoire pour passer de deux espaces juxtaposés, séparés par une frontière institutionnelle et politique à une conception partagée de l’espace transfrontalier portant sur des thèmes communs.

Cette démarche d’aménagement transfrontalier se traduit par :

  • La recherche et la définition de thèmes communs de coopération.
  • La mise en place « d’instances régulatrices », plus ou moins formalisées (l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, les Eurodistricts, l’Eurocité basque, le Grand Genève, Alzette-Belval), qui contribuent à « produire » cette nouvelle vision du territoire à travers des documents de consensus politique (la Charte d’aménagement de l’agglomération franco-valdo-genevoise, le Livre blanc de l’Eurocité basque).
  • La recherche d’articulation avec les orientations d’aménagement local (PLU, SCOT et SCT du côté français), régionales (SRADDET et autres schémas régionaux du côté français), nationales (schémas nationaux de transports, schémas de services collectifs, DTA), voire européennes (même s’ils sont de nature indicative : Schéma de Développement de l’Espace Communautaire, Agenda territorial) comme avec les outils de financements nationaux (Contrats de Plan Etat Régions) ou européens (programmes transfrontaliers, voire régionaux) disponibles.
  • La concrétisation des projets transfrontaliers d’aménagement et d’équipement définis en commun.

Projets phares

Les agglomérations transfrontalières représentent les meilleurs exemples de projets d’urbanisme transfrontalier. Les agglomérations de Genève et de Bâle à la frontière franco-suisse et franco-germano-suisse et l’agglomération d’Esch-sur-Alzette à la frontière franco-luxembourgeoise sont particulièrement avancées sur cette thématique.

Esch-Belval : une ville nouvelle à la frontière franco-luxembourgeoise

Le projet d’Esch Belval est un projet ambitieux de « déconcentration-centralisée » (modèle multi polaire) à la frontière franco-luxembourgeoise. Initié par le Grand-duché, le projet développe un nouveau pôle urbain (autour de l’Université du Luxembourg, d’un pôle d’emploi, d’équipements publics et de commerces) face au déclin du secteur minier et sidérurgique de la région. Impliquant une partie du territoire français, le projet a de nombreuses implications transfrontalières, notamment sur la création de logements (8 600 côté français, plus de 7 000 côté luxembourgeois).
Sur le versant français l’Etablissement public d’aménagement (EPA) Alzette-Belval a pour charge de piloter l’Opération d’intérêt national (OIN) (périmètre juridique qui permet le transfert à l’Etat de certaines compétences en matière d’urbanisme) créée pour l’occasion.

Grand Genève : une coopération basée sur le développement urbain transfrontalier

L’aménagement du territoire d’une agglomération aussi dynamique que le Grand Genève représente un enjeu particulièrement important. Plusieurs projets d’agglomération transfrontaliers ont été élaborés par les partenaires de part et d’autre et dessinent l’aménagement du territoire à l’échelle transfrontalière. Plus d’infos ici. A titre d’exemple, la ZAC Ferney-Genève-innovation dans le Pays de Gex, s’inscrit dans cette démarche de développement économique et urbain de l’agglomération franco-valdo-genevoise à l’horizon 2030. Le programme d’aménagement comprend 65 hectares de commerces et bureaux (195 000 m² de surface), logements (2 500 dont 30 % de sociaux), espaces de loisirs et équipements publics (15 000 m²). L’investissement total pour ce programme pourrait atteindre un milliard d’euros (financement public-privé).

3Land : un projet urbanistique transfrontalier pour la métropole trinationale de Bâle

« Sraddet » Grand Est : l’exemple d’un schéma d’aménagement régional avec un volet transfrontalier

Les enjeux transfrontaliers sont au cœur du SRADDET Grand Est (Schéma régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires), prévu par la loi NOTRe. 40 objectifs stratégiques ont été définis, dont quatre concernent les domaines de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat :
– Promouvoir un urbanisme de qualité pour des centres-villes/villages attractifs et adaptés aux risques climatiques
– Mettre les mobilités au cœur de l’urbanisme
– Adapter l’habitat aux dynamiques démographiques, à la transition énergétique et aux nouveaux modes de vie
– Responsabiliser le citoyen, encourager les démarches participatives et les dialogues
Les agences d’urbanisme du Grand Est ont également contribué à l’élaboration du SRADDET avec leur publication Enjeux et défis transfrontaliers : Volet transfrontalier du SRADDET Grand Est. Plus d’infos sur le SRADDET Grand Est

Référent thème Foncier et Aménagement à la MOT

Alice Duret
Chargée de mission Etudes territoriales et transitions