Fleuves et rivières

Quelques exemples

Le bassin franco-genevois


La Convention de 1962 concernant la protection des eaux du lac Léman contre la pollution est pionnière dans le domaine de la coopération transfrontalière fluviale. 

On compte pas moins de cinq Contrats de rivières transfrontaliers sur le bassin franco-genevois, émaillé de nombreux cours d’eaux. Chaque contrat est passé entre le Canton de Genève d’une part et les partenaires concernés côté français (Etat, Région, département, agences de l’eau, etc.). Cette coopération s’est concrétisée par exemple par la signature d’un accord transfrontalier pour la gestion de l’eau et du milieu aquatique entre les acteurs de l’agglomération transfrontalière du Grand Genève.  Plus d’infos sur  : Le contrat de rivières transfrontalier entre Arve et Rhône.

Un protocole d'accord transfrontalier pour la gestion sédimentaire du Haut Rhône
La préfecture de l'Ain et le Canton de Genève ont conclu en septembre 2015 un protocole d'accord fixant les modalités de gestion transfrontalière des sédiments du Haut Rhône. Ce texte concrétise les travaux d'un comité technique franco-suisse institué en 2012 et qui fixe les modalités de gestion pour la décennie à venir. Destinée prioritairement à garantir la sécurité des riverains face aux crues, la gestion sédimentaire du Haut Rhône prend en compte les intérêts socio-économiques des acteurs concernés le long du fleuve tout en préservant l'environnement. "C'est grâce à une gestion concertée et coordonnée des sédiments entre la Suisse et la France que les autorités parviennent à garantir la sécurité des riverains du Rhône lors de fortes crues, comme celle qu'a connue l'Arve au début du mois de mai 2015." (La Voix de l'Ain, 11 septembre 2015).
Document : Analyse des facteurs contribuant à l’émergence d’une nouvelle gouvernance transfrontalière de l’eau : le cas du Rhône, Christian Brethaut, Cahiers de Vallesia n°29, 2015

Le Rhin supérieur


Autre exemple emblématique et précoce de coopération transfrontalière dans ce domaine : la gestion du Rhin sur la frontière franco-allemande. Long de 1320 km et représentant un bassin versant de 185 000 km², le fleuve rhénan fait partie d'un vaste "District hydrographique International" et fait l’objet d’une Commission internationale de protection du fleuve, qui réunit depuis 1950 les ministres de l’environnement des pays riverains. Une première convention, signée en 1963, a concrétisé la lutte contre la pollution, problème majeur et chronique de cette voie fluviale la plus utilisée d’Europe. La Convention pour la protection du Rhin a ensuite été signée en 1999.

Faisant suite au "Programme d’action du Rhin" réalisé entre 1987 et 2000, un programme d’ensemble "Rhin 2020" pour le développement durable du fleuve a été adopté par la Commission Internationale pour la Protection du Rhin. Ce programme combine les intérêts écologiques et ceux de la prévention des crues, la protection des eaux de surface et celle des eaux souterraines dans l’espace rhénan jusqu’à 2020.

Outre ce programme, de multiples projets ont été réalisés sur le cours du fleuve, notamment pour la protection de la nappe phréatique. Par exemple, le projet LOGAR (Liaison opérationnelle pour la gestion de l'aquifère rhénan) vise à améliorer l’état de la nappe rhénane (un tiers de l’eau contenue dans celle-ci s’étant dégradée selon une étude parue en 2009) et à mettre en place un outil de gestion transfrontalier. 

La démarche binationale du Doubs franco-suisse

Le Doubs constitue une frontière sur 45 km entre la France et la Suisse. Ce bassin versant se caractérise par un fort potentiel biologique, une faible densité urbaine ainsi qu'une occupation humaine limitée.
Afin de mieux appréhender ses problématiques (impact de trois barrages hydroélectriques, sensibilité aux altérations de la qualité des eaux, surmortalité piscicole en 2010-11, nombreuses ruptures de la continuité écologique), de nouvelles instances de gouvernance ont été créées en 2011 répondant à la nécessité d'une démarche globale et concertée :

  • une Commission mixte gérant l'harmonisation des dispositions relatives  à la pêche et la protection du poisson ;
  • un Groupe de travail "Gestion des débits" (2011) pour améliorer la gestion des ouvrages hydroélectriques et de leurs impacts écologiques (co-présidé par la DREAL et l'OFEN) ;
  • un Groupe de travail "Qualité des eaux et des milieux aquatiques" (2011) qui intervient su la qualité de l'eau, la protection des espèces, la morphologie et s'appuie pour cela sur un secrétariat technique assuré par l'EPTB Saône et Doubs. Il se réunit en moyenne deux fois par an (co-présidé par la DDT du Doubs et l'OFEV).

Ce dernier a présenté début 2014 un plan d'action comportant plusieurs mesures pour assainir le Doubs et réduire l'impact des activités humaines sur le bassin :

  • Améliorer la qualité physico-chimique des eaux impliquant la réduction de flux des flux de pollution quelles que soit leur origine et une action sur les assainissements collectif et individuel
  • Restaurer la continuité écologique (entre autres piscicoles) et la morphologie du Doubs et de ses affluents
  • Suivre de façon partagée et transfrontalière l'évolution de l'état du Doubs en trouvant les méthodes d'exploitation des données appropriées

Ainsi, ce plan d'action se transcrit en actions concrètes comme la modernisation de stations d'épuration en France et en Suisse, la suppression de quatre des treize seuils ou barrages qui entravent la circulation des poissons, un programme d'amélioration de la connectivité des affluents du Doubs ainsi que deux études (synthèse des données sur la qualité des eaux du Doubs, solutions techniques aux enjeux de migration piscicole).

Quelques autres exemples sur les frontières françaises


La coopération transfrontalière dans ce domaine permet également de répondre aux enjeux de valorisation du patrimoine naturel du territoire. En témoigne le projet "Bande Bleue", soutenu par l’Eurodistrict SaarMoselle, qui a pour objectif de mettre en valeur l’axe de la Sarre, à travers le réaménagement des berges du fleuve, mais aussi avec les projets portés par le SMEAG (Syndicat Mixte d’Etudes et d’Aménagement de la Garonne), sur la frontière franco-espagnole.

La vallée de la Garonne fait en effet l’objet d’une coopération transfrontalière dynamique à travers notamment la réalisation du projet : "la vallée de la Garonne, un territoire transfrontalier". Ce projet comprend :
- la création d’un site transfrontalier Natura 2000, qui a pour objectif de préserver la biodiversité et de mettre en réseau la Garonne avec d’autres sites européens,
- la mise en place d’un Observatoire transfrontalier, afin de centraliser l’ensemble des données disponibles sur le fleuve,
- l’élaboration d’un schéma de gestion des déchets flottants sur le cours de la Garonne
- la mise en valeur du site du Plan d’Arrem, site historique sur la Garonne.

La vallée de la Garonne fait également partie de projets transnationaux comme "Sud'eau 2" qui a permis la création par le SMEAG d'une "boîte à outils" sur les bonnes pratiques dans la gestion des cours d'eau, ou le projet "Territoires Fluviaux Européens" (TFE), clôturé en juin 2014, qui vise à réaliser un diagnostic sur l’ensemble du territoire, permettant la mise en œuvre d’objectifs tels que la valorisation hydrologique des zones d’expansion de crues, la préservation d’éco-fonctionnalités des espaces naturels ou encore l’implantation de la "Trame verte et bleue", objectif phare du Grenelle de l’environnement, visant à reconstituer un réseau d’échanges en vue de protéger la biodiversité. 

Sur la frontière franco-espagnole, d'autres projets européens agissent sur la qualité des masses d'eau comme par exemple le projet BIDUR sur le bassin transfrontalier de la Bidassoa ou encore GURATRANS pour la gestion des cours d'eau de l'Ouest des Pyrénées.

L'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai consacre un axe entier de sa stratégie 2014-2020 à l’"Eurométropole bleue et verte", dont l'une des pistes est la requalification des cours d'eau. Elle concerne notamment la Vallée de l'Escaut,  avec le projet Dostrade, mais également le niveau transnational avec le projet ScaldWIN (Pays-Bas, Belgique, France), qui vise à améliorer la qualité des eaux de surface et souterraines du district hydrographique international (DHI) de l'Escaut.
En mars 2016 a été lancé l' "Espace bleu" de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai : une initiative transfrontalière et participative centrée sur l’eau sous toutes ses formes, visant à favoriser le dialogue et la collaboration entre acteurs politiques et techniques, associations et citoyens pour valoriser, proposer et réaliser des actions innovantes. Le projet propose la création d’un atlas collaboratif identifiant les acteurs et projets autour de l’eau, des actions locales dans les 147 communes eurométropolitaines et une grande fête de l’eau.
L’Eurométropole a par la suite lancé le micro-projet "Blue walks" pour valoriser ce Parc Bleu : 13 balades programmées entre avril et septembre 2019 de part et d’autre du domaine fluvial transfrontalier, présentées dans les deux langues (le français et le néerlandais).

Le Danube


L'enjeu qualitatif des ressources en eau, qu'elles soient de surface ou souterraines, est également au cœur de la coopération environnementale transfrontalière danubienne. La situation particulière du Danube, fleuve atypique et international puisqu'il traverse successivement dix pays européens d'Est en Ouest, ainsi que ses dimensions singulières (par exemple ses gels réguliers, ou la gestion des crues), ont rendu la collaboration transfrontalière aussi complexe que nécessaire.C’est la raison pour laquelle l’Union Européenne a choisi cet ensemble régional pour accueillir sa deuxième macrorégion en 2010, et dont la stratégie s’étend de 2011 à 2020.

La concertation des pays riverains sur le "Programme environnemental du bassin danubien" ("EPDRB") initiée en 1991, a abouti le 29 juin 1994 à la signature de la "Convention pour la Protection du Danube" ("DRPC"), à Sofia (Bulgarie). Entrée en vigueur à partir de 1998, elle engage les onze pays signataires auxquels se sont ajoutés le Monténégro, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine, à œuvrer pour l'amélioration et la gestion équitable et durable du bassin danubien tout en instituant une Commission internationale pour la Protection du Danube. L'Union Européenne, douzième signataire de la "DRPC", soutient activement la coopération transfrontalière dans la région. Elle conçoit ainsi dès 2001 l'instauration de la "DABLAS Task Force" afin de veiller à l'efficacité de la coordination des actions entre les pays transfrontaliers et de la répartition adéquate des financements. De plus, des équipes d'experts mandatés par l'autorité internationale de la "DRPC" sont chargés d'appliquer la Directive Cadre sur l'Eau de la Commission européenne (voir rubrique "Les enjeux"). L'enjeu de la concertation transfrontalière en matière de gestion des eaux du bassin est d'autant plus grand, que les eaux de la Mer Noire dans lesquelles se déverse le fleuve sont considérées comme hautement polluées. Les aires protégées autour du Danube se sont quant à elles structurées dans l'association DANUBEPARKS qui agit pour la restauration des habitats fluviaux et la gestion des plaines inondables au bord du Danube.

La notion de coopération transfrontalière est centrale dans l’histoire du Danube et de sa gestion internationale et régionale. Le litige de Gabcikovo (Hongrie / Slovaquie) illustre précisément ce point et démontre la nécessité de la communication et de la coopération, de même que les trois catastrophes industrielles majeures du XXIème siècle dans le bassin du Danube : les catastrophes de Baia Mare et de Baia Borsa en 2000 et la catastrophe d’Ajka en 2010.
             
D’autres collaborations et coopérations heureuses ont pu être recensées et sont fortifiées par la stratégie macrorégionale, comme par exemple la gestion du barrage des Portes de Fer entre la Serbie et la Roumanie, ou encore le pont de l’Amitié entre la Bulgarie et la Roumanie, reliant les villes de Rusé et de Giurgiu.
La Bulgarie et la Roumanie, dont la frontière se trouve être le Danube sur environ 500km, n’ont longtemps eu que cet unique pont pour traverser le fleuve, ce qui en fait un haut-lieu symbolique de la coopération transfrontalière roumano-bulgare, comme peuvent le prouver les 5 projets financés par Interreg ces dernières années sur cette localité précise : 

  • "Danube spirit in port communities" ;
  • "Investing in Road Safety and Improving the Connectivity of Ruse Municipality and Giurgiu county to TEN-T Transport Network" ;
  • "Well-developped transportation system in the Euroregion Ruse-Giurgiu for better connectivity with TEN-T Network" ;
  • "Reconstruction and display of iconic cultural sites with high tourism potential in the Euroregion Ruse-Giurgiu" ;
  • "Development of River Danube for better connectivity of the Euroregion Ruse-Giurgiu with Pan-European transport corridor n°7".

Stratégie européenne pour la macrorégion du Danube
La Commission européenne, pour affronter en commun les défis posés, a développé en concertation avec les dirigeants de la région et les parties prenantes une stratégie macro-régionale pour la région du Danube. Elle a été approuvée le 13 avril 2011 par le Conseil européen.
Elle vise à créer des synergies et à impulser une coordination entre les politiques existantes et les initiatives mises en place dans la région du Danube.
Ce soutien facilite ainsi la coopération dans des domaines directement concernés par le fleuve comme les transports, la protection de l'environnement, le développement économique et la sécurité. Exemples de projets :
- Le projet "Clean Rivers Operation", qui mène des actions de dépollution sur cinq zones frontalières du Danube, illustre la coopération entre la Hongrie et la Roumanie en matière de préservation des eaux.
- La construction d'un deuxième pont entre la Bulgarie et la Roumanie (voir la fiche agglomération Calafat-Vidin) doit permettre l'ouverture d'une route reliant l'Europe du Nord à l'Europe centrale et orientale.
- Le projet "Also Danube" est pour sa part axé sur la valorisation de l'utilisation des voies de navigation fluviale.
La Commission Internationale pour la Protection du Danube (ICPDR) est l’organisme chargé de veiller à la mise en place de la stratégie macrorégionale.   

 

 

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