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Le rapport sur les problématiques transfrontalières vient tout juste d'être publié !
Mars 2025
Transports, logement, santé, emploi, gouvernance : autant de sujets clés abordés parmi les 55 propositions concrètes visant à "lever les obstacles du quotidien" et à "renforcer le dialogue transfrontalier". Retrouvez dans notre interview exclusive avec Brigitte Klinkert, députée du Haut-Rhin et auteure du rapport, les propositions concrètes sur ces sujets clés.
Quels sont les principaux enseignements du rapport que vous venez de conduire ?
Ce rapport, qui a été réalisé dans le cadre d’une mission flash qui m’a été confiée par la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, se concentre sur l’ensemble des frontières de l’Hexagone et concerne, par conséquent, les 25 millions de Français vivant en zone frontalière.
Il s’agit d’un rapport riche d’une soixantaine de pages, issu d’un travail de fond, pour lequel nous avons auditionné plus de 60 personnes issues d’horizons très divers, couvrant une grande variété de sujets et proposant plus de 50 recommandations concrètes et rapidement applicables.
Après trois mois de travaux, il apparaît que les enjeux propres aux régions frontalières mériteraient une attention renforcée. La principale conclusion que j’en tire est la nécessité d’améliorer la gouvernance de ces questions afin que les spécificités de ces territoires soient mieux prises en compte dans les politiques publiques. De nombreuses solutions existent, et des initiatives locales en apportent chaque jour la preuve.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les Français vivant en région frontalière ?
Les Français vivant en région frontalière font face à des difficultés multiples qui touchent directement leur quotidien.
- La première, qui était la plus fréquemment soulevée, concerne les transports : l’augmentation des flux transfrontaliers et la densification progressive de ces zones ont conduit à une saturation des axes routiers. Or, les transports en commun ne parviennent pas toujours à compenser cette congestion, notamment dans les territoires ruraux, où l’offre reste limitée.
- Cette pression s’étend également au logement, en particulier aux abords des frontières suisses et luxembourgeoises. Les écarts de salaires entre les pays ont entraîné une flambée des prix de l’immobilier, rendant l’accès au logement de plus en plus difficile pour ceux qui travaillent en France, en particulier les fonctionnaires, qui ne peuvent rivaliser avec les niveaux de rémunération pratiqués de l’autre côté de la frontière.
- L’accès aux soins représente un autre défi majeur. Le manque d’attractivité pour les professionnels de santé, combiné à la concurrence des salaires suisses et luxembourgeois, aggrave la désertification médicale dans ces territoires. Par ailleurs, les démarches administratives imposées par l’Assurance maladie, comme l’obligation d’obtenir un formulaire S1, alourdissent encore le parcours de soins des patients français.
- Sur le plan de l’emploi, la reconnaissance mutuelle des diplômes demeure un obstacle important.Lorsqu’une activité se délocalise de l’autre côté de la frontière, les travailleurs peuvent se retrouver dans l’incapacité de suivre, faute d’équivalence de leurs qualifications. La barrière linguistique constitue également un frein : l’apprentissage de la langue du voisin est en recul sur l’ensemble des frontières, ce qui complique tant l’insertion professionnelle que la coopération transfrontalière.
- Enfin, au niveau local, les collectivités et les associations soulignent la nécessité d’un accompagnement renforcé par l’Etat, notamment pour la conclusion de conventions juridiques parfois complexes. Dans ce contexte, les associations d’aide aux frontaliers jouent un rôle essentiel en apportant un soutien précieux aux citoyens. À titre d’exemple, le réseau Infobest a traité 21000 demandes en 2023, illustrant l’importance d’un appui accru et d’une prise en charge plus efficace des problématiques transfrontalières.
Quelles solutions à court et moyen terme ont pu être identifiées ? Quelles sont les priorités et les suites qui seront données ? Quel rôle pour la MOT ?
Pour aller plus loin et plus vite, mon rapport formule cinquante-cinq propositions opérationnelles pour lever les obstacles du quotidien et renforcer le dialogue transfrontalier.
En matière de mobilité, il est essentiel d’intensifier la coopération pour développer les liaisons ferroviaires transfrontalières et réduire la dépendance à la voiture. Je propose notamment la mise en place de « RER transfrontaliers » pour mieux connecter les territoires de part et d’autre de la frontière. Concernant le logement, une adaptation du code de l’urbanisme pourrait permettre aux zones transfrontalières de déroger à certaines contraintes foncières.
Sur la santé, l’accès aux soins de l’autre côté de la frontière doit être simplifié. Aujourd’hui, un patient doit obtenir l’accord préalable de sa caisse pour un examen d’imagerie, même lorsque les délais sont trop longs en France. C’est un non-sens : un simple arrêté suffirait à lever cette contrainte. Il est également urgent d’accélérer la mise en place d’accords bilatéraux et de conventions entre établissements de santé.
En matière d’emploi, je préconise une reconnaissance simplifiée des diplômes et la création de formations communes avec cofinancement, afin d’éviter que la France finance seule des travailleurs qui exerceront à l’étranger. L’apprentissage de la langue doit être une priorité, avec une véritable stratégie adaptée aux bassins de vie transfrontaliers, portée par l’Éducation nationale.
Plus largement, des dérogations ciblées doivent être mises en place, comme le permet déjà le Traité d’Aix-la-Chapelle entre la France et l’Allemagne. Il est indispensable de donner une envergure politique aux questions transfrontalières en confiant cette responsabilité à un membre du gouvernement, un Haut-commissaire ou un délégué interministériel. Une meilleure coordination entre l’État, les collectivités et les associations de frontaliers est nécessaire. Pour cela, je propose la création d’un organe de dialogue associant les préfectures, les collectivités et les associations de frontaliers, ainsi que la mise en place d’un «pool d’expertise juridique» chargé d’accompagner la négociation des conventions bilatérales. Ce travail pourrait être confié à la MOT, qui joue déjà un rôle clé dans l’animation des politiques transfrontalières et le dialogue avec les administrations et collectivités.
Pour consulter le rapport : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion_afetr/l17b1023_rapport-information
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