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Interview croisée du Département de la Moselle et de l’Eurométropole de Metz

Juin 2023

Interview croisée du Département de la Moselle et de l’Eurométropole de Metz

A la frontière entre la France, l’Allemagne et le Luxembourg, le territoire transfrontalier qui accueille l’assemblée générale de la MOT, les 27 et 28 juin 2023 à Metz, est riche d’actualités, de projets et d’enjeux transfrontaliers. Interview croisée de Patrick Weiten, Président du Département de la Moselle, ancien Député, et François Grosdidier, Président de l’Eurométropole de Metz, Maire de Metz.

Quels sont les enjeux transfrontaliers sur votre territoire et les obstacles à la coopération ?

Patrick Weiten : La Moselle est l’un des 4 départements français qui a une frontière commune avec deux autres Etats européens. Elle représentait les ¾ des frontières extérieures de l’ancienne Région Lorraine. Elle a notamment sur son territoire les 4/5ème de la frontière franco-luxembourgeoise.
Quotidiennement 100 000 Mosellans franchissent la frontière pour se rendre à leur travail. La Moselle est le 2ème département français en nombre de travailleurs frontaliers. C’est autant un atout qu’un défi pour l’ensemble des acteurs du territoire.
La Moselle est donc au cœur d’un espace transfrontalier où les opportunités économiques sont réelles. Faisant le choix de développer une politique transfrontalière innovante et ambitieuse, le Département de la Moselle s’est appuyé sur ses compétences dans les solidarités humaines et territoriales. Dans un contexte particulier et incomparable en France, il a construit des solutions de proximité, autant avec le Grand-Duché de Luxembourg qu’avec les Länder allemands.

François Grosdidier : L’Eurométropole de Metz représente la métropole d’équilibre de son homologue luxembourgeoise, au Sud et au Nord de notre bassin de vie commun. Sur les questions d’enseignement supérieur, de santé, de formation, d’emploi, de culture, de mobilité, nous faisons face aux mêmes enjeux. Avec 10% de sa population active qui travaille au Grand-Duché, l’Eurométropole est par ailleurs confrontée à un phénomène croissant que nous devons prendre en compte de manière globale à l’échelle nord-lorraine. Ces travailleurs frontaliers rencontrent d’importantes difficultés de mobilité : autoroute congestionnée, trains saturés, etc. et ont des besoins spécifiques que nous devons prendre en compte : horaires des services publics, besoin d’informations sur leurs droits et devoirs, etc.  
En matière de coopération, une spécificité forte de notre relation transfrontalière est que notre interlocuteur est un Etat souverain qui a face à lui de multiples acteurs : Etat, Région, Départements, collectivités locales. Aussi, la question de la gouvernance est majeure pour construire une vision partagée du développement de notre territoire Nord-Lorrain avec le Luxembourg et porter des projets communs. Nous avons, encore plus qu’ailleurs je crois, besoin que l’Etat français appréhende notre situation dans toute sa complexité et dans toutes ses dimensions, y compris territoriale.

Comment y répondre ?


François Grosdidier :
L’Eurométropole de Metz a souhaité offrir un service spécifique aux travailleurs frontaliers de son territoire en créant sa Maison du Luxembourg. La première mission de la Maison du Luxembourg est de répondre aux questions des frontaliers à travers un accueil individuel mais également des ressources en ligne et des événements (webinaires, après-midi thématiques, Village des frontaliers). Tout ce travail est uniquement possible parce que nous sommes parvenus à fédérer et mettre en relation, sur notre territoire, l’ensemble des intervenants et interlocuteurs institutionnels susceptibles d’éclairer les spécificités transfrontalières : CAF, Finances publiques, CROUS, CARSAT, etc. Au total, ils sont une vingtaine de partenaires à s’inscrire dans la dynamique de la Maison du Luxembourg. Nous nous réjouissons également de voir nos partenariats se développer de l’autre côté de la frontière.  
En parallèle, l’Eurométropole est engagée sur les questions stratégiques qui concernent le fait transfrontalier. Des évolutions sur le télétravail au travail mené contre la double imposition, en passant par le soutien à des coopérations en matière de formation ou le développement des infrastructures et services de transport adaptés elle est engagée au quotidien au service des intérêts du territoire et de ses habitants.

Patrick Weiten : La coopération  transfrontalière étant dans son ADN, autant par sa situation géographique que par son attachement aux valeurs qui ont fondé la construction européenne, j’ai proposé que le Département de la Moselle soit reconnu comme L’Eurodépartement français. Sous mon impulsion, l’Assemblée départementale a décidé le 9 mai 2019, à l’unanimité, de revendiquer l’extension de ses compétences pour agir avec plus d’efficacité et ainsi simplifier les nombreux partenariats avec ses voisins européens.
Cela doit faciliter le développement de réponses spécifiquement transfrontalières et pragmatiques puisque liées aux réalités quotidiennes de ses habitants. C’est ainsi le cas pour la coopération des services d’incendie et de secours déjà en vigueur, comme pour la construction d’une réponse commune à la pénurie de main d’œuvre dans les secteurs en tension.
Acteur légitime des solidarités humaines et territoriales, j’ai souhaité que le Département de la Moselle prenne en compte dans l’ensemble de ses politiques publiques cette dimension transfrontalière.  S’inscrivant dans l’héritage schumannien, le Département est présent du premier sourire au dernier soupir aux côtés des habitants. Il déploie à leur intention des solutions innovantes, ambitieuses et pragmatiques.

Quelles sont vos actualités et les projets transfrontaliers que vous portez ?  


Patrick Weiten : Par sa participation à différentes instances de coopération transfrontalière multilatérales ou bilatérales, tout comme au Comité de Suivi du Programme INTERREG VI A Grande Région, le Département de la Moselle se mobilise de manière constante dans la levée des irritants du quotidien.
C’est pourquoi, accueillir l’Assemblée Générale de la MOT nous permettra de présenter notre palette d’actions et nos réalisations concrètes.

François Grosdidier : L’accueil de l’assemblée générale de la MOT fin juin, bien entendu ! Nous nous faisons un plaisir de pouvoir accueillir les acteurs de territoires qui partagent nos préoccupations et enjeux. L’Eurométropole a également initié un rapprochement avec les 16 EPCI du Nord Lorrain qui partagent une communauté d’enjeux au premier rang desquels la métropolisation du Luxembourg. Il est important d’avoir des lieux d’échanges et de coordination pour apporter des réponses coordonnées à des problématiques communes.  
Nous avons également d’importants partenariats dans le champ de l’économie (World Trade Center Metz-Sarrebruck), de l’enseignement supérieur ou de la culture avec l’Allemagne. L’ouverture de nouvelles liaisons ferroviaires à venir devrait permettre d’accroître les échanges. Metz est une ville où l’ont peut suivre tout son cursus scolaire, de la maternelle à un bac+8, dans des formations franco-allemandes : de nos écoles biculturelles au campus franco-allemand de l’ENSAM ou à l’ISFATES, notre écosystème est construit pour tirer profit de cet engagement transfrontalier.

Quelles sont vos priorités dans le cadre de la nouvelle programmation Interreg 2021-2027 ?


François Grosdidier : Interreg est une belle opportunité de développer de nouveaux partenariats. Pour cette nouvelle programmation, la Ville de Metz porte un important projet intitulé
« GRACE » (Great Region Artistic and Cultural Education) sur la généralisation de l’éducation artistique à tous les citoyens de la Grande Région.

Patrick Weiten : Fort de son expérience sur plusieurs décennies et après avoir conduit le plus important projet transfrontalier sur le multilinguisme SESAM GR, le Département de la Moselle poursuit son engagement dans l’apprentissage de la langue de ses voisins grâce à de nouvelles initiatives : projet ENGAGEMENT GR, renforcement des jumelages entre collèges mosellans et sarrois, mobilisation pour la création d’un collège franco-luxembourgeois.
En matière de mobilité, il déploie des solutions respectueuses de l’environnement, notamment en militant pour la réouverture de lignes de transports de voyageurs facilitant ainsi le déplacement autant des travailleurs frontaliers, que des usages du quotidien, à l’exemple de la liaison ferroviaire Sarre/Luxembourg via la Moselle.
Pour le bien vivre, le Département de la Moselle conduira également un projet sur la prévention de la dépendance intitulé Senior Activ 2. Ce projet vise à développer un volet numérique et de nouvelles pratiques pour les seniors dans la perspective du maintien à domicile, ainsi que pour faciliter le travail des accompagnants et des aidants.
C’est aussi le cas du Parc Archéologique Européen de Bliesbruck-Reinheim, laboratoire à ciel ouvert de la coopération franco-allemande de proximité. Grâce à sa reconnaissance comme zone fonctionnelle au sein du programme Interreg Grande Région et de la création d’une association transfrontalière multiniveau, il sera possible de dépasser l’effet frontière dans l’organisation d’activités communes de part et d’autre de la frontière franco-allemande, en pouvant ainsi solliciter des clauses de dérogation et d’expérimentation telles qu’envisagées dans le traité d’Aix-la-Chapelle.

Plus d'infos sur l'assemblée générale de la MOT, 27 et 28 juin 2023.


Copyright photo : P. Gisselbrecht VdM / Shigeru Ban Architects Europe et Jean de Gastines Architectes, avec Philip Gumuchdjian pour la conception du projet lauréat du concours / Metz Métropole / Centre Pompidou-Metz.
Photo de Patrick Weiten : Jean-Christophe Fraisse

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