Un secteur à forts enjeux de développement local

Le tourisme représente l’un des secteurs économiques les plus dynamiques en Europe. Composante importante du développement économique local pour certains territoires, il est également associé à des thématiques comme l’industrie de la création, le patrimoine naturel et culturel, les arts et les médias. Dans les régions frontalières, qui représentent 40% du territoire européen, les projets touristiques transfrontaliers ont un impact réel sur la croissance économique locale. L’amélioration des infrastructures touristiques contribue non seulement à créer des emplois dans des régions qui peuvent être en déclin industriel ou rural, mais également à y attirer de nouveaux investissements. La mise en commun des ressources, des aménagements et des offres touristiques au niveau transfrontalier constitue donc une réelle opportunité pour les acteurs locaux de promouvoir l’économie locale et l’attractivité du territoire.

La frontière, au cœur de l’identité du territoire transfrontalier, peut elle-même constituer un attrait touristique et être à l’origine de la conception d’un projet transfrontalier. En témoigne les réseaux transfrontaliers de fortifications – comme le « Réseau de villes fortifiées de la Grande Région » entre la Belgique, le Luxembourg, la France et l’Allemagne – au sein desquels la notion de « frontière » est très présente, et l’élément qui constituait autrefois une « barrière » entre les deux pays est devenu l’objet même de la coopération.

Au cœur des échanges et des rencontres entre les populations, le tourisme prend donc une dimension supplémentaire en contexte transfrontalier : il est avant tout un « lien social et culturel » par-delà la frontière entre les deux populations. Il contribue fortement à renforcer l’identité culturelle transfrontalière et le sentiment d’appartenance de la population au territoire transfrontalier.

Modes de financement

En tant que secteur transversal, le tourisme est concerné par de nombreuses politiques européennes. Il est très présent dans les projets d’investissement du Fonds européen de Développement régional (FEDER) dont l’enveloppe pour le secteur touristique s’élève à 8 milliards d’euros. Néanmoins, le tourisme étant une activité favorisant le développement des régions aux enjeux spécifiques, il peut bénéficier également d’autres instruments financiers de l’UE, comme du Fonds de cohésion, du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ou du Fonds européen pour la pêche (FEP). Les fonds européens subventionnent notamment les projets de tourisme durable. A l’échelle transfrontalière, les projets touristiques sont financés notamment par les programmes Interreg.

Même si le tourisme ne fait pas explicitement partie des onze priorités thématiques définies pour la politique de cohésion 2014-2020, les projets touristiques transfrontaliers s’inscrivant dans la stratégie de croissance “intelligente, durable et inclusive” peuvent bénéficier des subventions européennes. Le tourisme est un secteur à fort potentiel pour générer croissance et emploi et contribuer à l’intégration économique et sociale dans des zones rurales et de montagne, des régions maritimes ou insulaires, périphériques ou ultrapériphériques.

Les caractéristiques des projets touristiques transfrontaliers

Les projets touristiques peuvent être menés à différents niveaux :
– au niveau des structures et institutions transfrontalières
– au niveau local et régional : les collectivités peuvent par exemple mener directement des projets
– au niveau des autres structures publiques ou privées non transfrontalières comme les offices du tourisme, les parcs naturels ou autre, en partenariat avec les structures équivalentes de l’autre côté de la frontière.

L’objectif des projets touristiques est, globalement, de proposer des actions transfrontalières aptes à faire émerger une identité transfrontalière commune.

Le développement du tourisme transfrontalier passe ainsi par :
– la création d’outils et de méthodologies communes.
– l’aménagement concerté des espaces et des sites touristiques, par la mise en réseau des acteurs
– l’organisation commune de l’information et de la commercialisation
– l’utilisation des outils de la société de l’information
– la création de nouveaux produits touristiques et d’actions favorisant la formation des acteurs

Outre les enjeux culturels, économiques et environnementaux déjà évoqués, d’autres paramètres sont importants à prendre en compte pour la viabilité du projet :
– les différents partenaires doivent y trouver un intérêt commun,
– les services et produits touristiques développés à la base du projet de part et d’autre de la frontière, doivent être de qualité et répondre à une attente ou un besoin de la population,
– les partenaires qui portent le projet doivent avoir les compétences linguistiques et professionnelles adaptées.

Typologie et exemples de projets

Les projets touristiques transfrontaliers peuvent être classés en deux catégories : certains reprennent à un niveau transfrontalier des offres touristiques déjà existantes (homogénéisation des offres, commercialisation et promotion conjointes, mise en réseau…) et d’autres sont conçus dès l’origine dans une dimension transfrontalière.

  • GESTION, VALORISATION COMMUNE ET MISE EN RÉSEAU DE SITES CULTURELS ET TOURISTIQUES FRONTALIERS 

Accessibilité commune à des sites touristiques
Les territoires frontaliers visent à faciliter l’accès aux sites touristiques par la création des “pass musées”, comme le Museums-PASS-Musées donnant l’accès à 320 musées, châteaux et jardins en France, en Suisse et en Allemagne ; ou le Pass découverte de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau.

Élaboration des guides et cartes transfrontaliers 
Les guides et cartes permettent aux touristes de mieux s’orienter dans les espaces transfrontaliers et de comprendre la culture du voisin (exemple la brochure touristique Bienvenue dans la Grande Région).

Création d’une offre touristique transfrontalière et sa promotion 
A l’ère du numérique, de nombreux territoires développent des portails internet communs ou des applications smartphone (ex : Léman sans frontières).

Mise en réseau des sites touristiques existants
Certains projets transfrontaliers regroupent des sites touristiques de part et d’autre de la frontière pour assurer leur promotion et valorisation à l’échelle transfrontalière. Exemple du projet Terra Salina à la frontière franco-suisse.

Promotion du tourisme durable, développement de l’éco-tourisme 
L’enjeu majeur du secteur est d’assurer le développement durable des destinations touristiques. Le projet Green Pyrenees Slow Tourism promeut la revitalisation des Pyrénées en favorisant les mobilités douces, Espace bleu de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai vise à développer le tourisme durable en réaménageant les espaces autour des cours d’eau.

Accompagnement des acteurs touristiques
Des projets touristiques transfrontaliers ne ciblent pas uniquement des touristes mais également des professionnels du secteur. Le projet Ardenne Ecotourism accompagnent les professionnels (tels que hébergeurs ou gestionnaires de sites) dans le développement de leur offre touristique adaptée au contexte transfrontalier. L’objectif est de faciliter une mise en réseau des acteurs, d’assurer l’échange de bonnes pratiques et de promouvoir une gestion responsable des activités touristiques.

  • CRÉATION DES ÉQUIPEMENTS TOURISTIQUES TRANSFRONTALIERS

Création des itinéraires de découverte transfrontaliers
En création de nouveaux itinéraires, les territoires transfrontaliers visent à mettre en valeur des espaces naturels par lesquels passe la frontière. Dans l’esprit du tourisme vert, ces itinéraires sont aménagés pour les mobilités douces – les cyclistes et les piétons. Les projets Ardenne cyclo (franco-belge), TransGarona (franco-espagnol), VéloViso (franco-italien) travaillent sur la création et la connexion des véloroutes touristiques en transfrontalier. Le projet Greenlinks a pour objet d’aménager les voies vertes entre les trois versants de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai afin de permettre de découvrir le territoire aux randonneurs de manière continue. La route historique Haute Route du Sel à la frontière franco-italienne créé une liaison transfrontalières pour les passionnés de motocyclisme et de véhicules tout-terrain.
L’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau, dans son projet Vélo Gourmand, vise à valoriser un circuit vélo franco-allemand en l’enrichissant par un côté gourmand – les dégustations des produits locaux sont préparés tout au long du trajet.

Construction de nouvelle infrastructure transfrontalière
Un manque d’accessibilité aux sites touristiques de part ou d’autre de la frontière peut se révéler comme un obstacle important ; d’où la nécessité de créer de nouvelles infrastructures favorisant le tourisme. Le téléphérique du Salève à la frontière franco-suisse permet aux visiteurs de profiter d’un panorama unique sur Genève, ainsi que de pratiquer la parapente, l’escalade, la randonnée ou le ski. Le Géotrain pyrénéen facilite l’accès au géotourisme grâce à la voie ferrée sur le territoire pyrénéen.

Aménagement et valorisation des parcs naturels
Les espaces naturels à proximité des frontières peuvent être mieux valorisés avec la création de parcs naturels transfrontaliers ou une coopération accrue entre des parcs situés de part et d’autre de la frontière. Ainsi, quatre parcs à cheval entre l’Espagne, la France et l’Andorre se sont regroupés en Parc des Trois Nations ; le Parc naturel régional Scarpe-Escaut côté français et le Parc naturel des Plaines de l’Escaut côté belge coopèrent au sein du Parc naturel transfrontalier du Hainaut.
Autre exemple : deux parcs nationaux à la frontière franco-espagnole, le parc national des Pyrénées et le parc national Ordesa y Monte Perdido coopèrent dans le cadre du site transfrontalier « Pyrénées-Mont Perdu » inscrit depuis 1997 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, avec trois axes de coopération : « Améliorer la connaissance du bien patrimoine mondial », « Développer une offre touristique transfrontalière » et la « Sensibilisation, transmission, partage » (définis dans le cadre du programme POCTEFA).
A la frontière franco-allemande, le Parc Rhénan PAMINA a pour objectif de créer une “région musée” au cœur de l’espace transfrontalier – un réseau des “sentiers de découverte et d’interprétation” permet aux randonneurs de découvrir les paysages des deux côtés du Rhin.

Valorisation des massifs frontaliers
Le tourisme est un enjeu fort pour les massifs frontaliers où il apparaît comme un vecteur d’activité et d’attractivité important. Le tourisme contribue au dynamisme économique de la montagne et à la création de l’emploi. Parmi tous les massifs, le Massif des Alpes est le plus soumis à une forte pression touristique, notamment près du Mont Blanc. L’initiative l’Espace Mont-Blanc vise à mieux concilier la fréquentation touristique en protégeant l’exceptionnel patrimoine naturel et environnemental ; il s’est investi dans le projet Autour du Mont-Blanc proposant des itinéraires thématiques pour la randonnée pédestre. A la frontière franco-italienne, l’ambitieux projet « Terres Monviso » autour du Mont Viso regroupe de nombreux partenaires français et italiens dans le cadre d’un « Plan intégré territorial » (PITER), proposé par le programme ALCOTRA 2014-2020. L’objectif est de mettre en place une stratégie commune pour le développement du territoire transfrontalier et d’un « tourisme sans frontières ». Les financements européens seront diffusés autour de quatre axes : l’économie verte, les mobilités et la gestion des risques, le tourisme international et le bien vieillir.
Sur le territoire des massifs transfrontaliers, les Groupements Européens de Coopération Territoriale (GECT) ont été créés pour une coopération plus approfondie: GECT Pirineos-Pyrénées, GECT Pirineus-Cerdanya et GECT Pays d’Art et d’Histoire Transfrontalier à la frontière franco-espagnole ; GECT Parc européen Alpi Marittime-Mercantour à la frontière franco-italienne. Tous ces Groupements comprennent un volet sur la coopération transfrontalière dans le domaine du tourisme.

Promotion transfrontalière du tourisme d’hiver
Concernant le tourisme d’hiver, il existe quelques stations de ski transfrontalières : G.I.E. Portes du Soleil (France-Suisse), Espace San Bernardo (France-Italie), Via Lattea (France-Italie) et un forfait de ski transfrontalier : Mont-Blanc Unlimited. Certaines stations à proximité de frontières ont choisi de connecter leurs infrastructures (remontées mécaniques, téléphériques), d’autres leurs pistes de ski (voir la carte).