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L’adoption par le Parlement européen, et la signature de l’acte final du règlement « BRIDGEforEU » le 7 mai 2025 marque la naissance d’un nouvel instrument destiné à faciliter sur chaque frontière intérieure de l’UE l’identification et la résolution des obstacles transfrontaliers.

Représentant une avancée majeure pour les territoires frontaliers d’Europe, le mécanisme qu’il met en place vise à surmonter les obstacles bureaucratiques et physiques dans les régions frontalières européennes partagées entre les Etats membres, avec un principe clé : la décision de lever ou non un obstacle relève in fine des prérogatives des autorités nationales compétentes. Au cœur du processus de résolution des obstacles à la coopération transfrontalière se trouvent les futurs « points de coordination » que chaque Etat devrait mettre en place au niveau national et/ ou local et régional mais aussi, le cas échéant, en concertation avec ses voisins, de manière mutualisée sur une ou plusieurs frontières.

Le règlement a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 19 mai 2025. Activement soutenu au Parlement par le député Sandro Gozi, vice-président de la MOT, il marque l’aboutissement de plus de dix ans de travail de la MOT, aux côtés de ses partenaires institutionnels, en premier lieu français et luxembourgeois.

 

Comment fonctionne BRIDGEforEU? 

Création de « points de coordination transfrontaliers » nationaux et/ ou régionaux et/ ou transfrontaliers

Le règlement européen prévoit la mise en place de « points de coordination» nationaux et/ou régionaux, mais aussi, le cas échéant, transfrontaliers, pour étudier la résolution de chaque obstacle à la coopération transfrontalière aux frontières de l’UE et y apporter une réponse et une solution concrètes.

Le texte précise que certains programmes Interreg peuvent être utilisés pour financer la création de structures pouvant occuper la fonction de points de coordinations.

Le mécanisme prévu par la proposition d’instrument BridgeforEU est le suivant :

  • Un « initiateur », c’est-à-dire une entité de droit public ou de droit privé élabore un dossier transfrontalier contenant une description de l’interaction transfrontalière à l’origine d’un ou plusieurs obstacles précisément identifiés qu’il dépose au point de coordination.
  • Le point de coordination examine la réalité de l’obstacle.
  • Par la suite, les autorités compétentes sont contactées. Elles vérifient l’intérêt et la faisabilité de la levée de l’obstacle.
  • Si l’obstacle est avéré, le « point de coordination transfrontalier » examine des structures de coopération disponibles pour lever l’obstacle en question.
  • Si aucune structure n’est identifiée, ou les structures existantes sont insuffisantes, les Etats membres peuvent choisir de mettre en œuvre « l’outil de facilitation transfrontalier » prévu par le règlement BridgeforEU. Cet outil prévoit une procédure unique visant à remédier aux obstacles de nature juridique ou administrative. Il peut également être fait le choix de ne pas lever l’obstacle, auquel cas il faudra justifier ce choix.
  • Si l’État décide d’utiliser « l’outil de facilitation transfrontalier », la procédure commence par l’identification de la nature de l’obstacle (administrative ou juridique).
  • L’initiateur ainsi que le point de coordination, le cas échéant, frontalier de l’État membre voisin sont informés.

Que prévoit le dispositif?

  • Il est important de noter que les autorités nationales et/ ou régionales compétentes, même si elles reconnaissent l’existence de l’obstacle, peuvent prendre la décision de ne pas le lever.
  • Ce mécanisme n’est applicable que dans les régions frontalières terrestres ou maritimes d’Etats membres de l’UE voisins. Par conséquent, les régions frontalières entre un Etat membre et un pays tiers ne sont pas éligibles à cet outil. Les Etats peuvent toutefois utiliser des cadres et outils équivalents avec les pays tiers.
  • Les Etats membres seront tenus de présenter à la Commission des rapports réguliers sur la mise en œuvre du règlement, en fournissant des informations sur le nombre d’obstacles transfrontaliers résolus, les types d’obstacles rencontrés et l’incidence globale du règlement sur la coopération transfrontalière.
  • Les avantages du nouvel instrument sont nombreux. Dans un premier temps, en dotant les Etats membres d’une procédure standard visant à lever les obstacles, il garantit aux citoyens une réponse à leurs difficultés dans leurs interactions transfrontalières. La proposition peut avoir une incidence directe sur la vie quotidienne des personnes vivant dans des régions transfrontalières en améliorant l’accès aux services publics et aux infrastructures. Enfin, le dispositif prévoit la création, par le biais des points de coordination, d’un réseau efficace de partage de connaissances, recueillant des données auprès des Etats membres sur les questions transfrontalières.

Ressources

Les grandes étapes

Les premiers pas

Au cours de sa présidence du Conseil de l’Union européenne (2ème semestre de 2015), le Grand-Duché du Luxembourg a mis en exergue les enjeux de la coopération transfrontalière, et le besoin de trouver des solutions pour surmonter les obstacles à celle-ci. Cette question a été débattue lors du Conseil Affaires générales du 17 novembre 2015, et lors de la réunion informelle des ministres de l’aménagement du territoire le 26 novembre 2015, sur la base d’une étude – confiée à la MOT par le Luxembourg – portant sur les solutions juridiques pour surmonter les obstacles à la coopération transfrontalière, interrogeant les besoins de modification du cadre normatif et envisageant de nouveaux outils juridiques.

Un groupe de travail intergouvernemental sur les solutions innovantes aux obstacles transfrontaliers

Afin de développer la proposition de la Présidence luxembourgeoise pour un nouvel outil juridique dédié à la coopération transfrontalière, un Groupe de travail sur les solutions innovantes aux obstacles transfrontaliers a été mis en place sur proposition conjointe du Luxembourg et de la France, dans le cadre intergouvernemental de l’Agenda territorial, lors des réunions des directeurs de l’aménagement du territoire et des politiques urbaines les 11 et 12 mai 2016 sous la présidence néerlandaise. La MOT en a assuré le secrétariat. Cette plateforme intergouvernementale a rassemblé, lors de réunions régulières, les États qui le souhaitaient et différents experts de la coopération transfrontalière. La première réunion du groupe s’est tenue à Vienne le 5 juillet 2016. Le groupe de travail a finalisé son rapport en juin 2017 et a poursuivi ses travaux jusqu’en décembre 2018.

« Cross-Border Review » de la CE, puis proposition de règlement ECBM

À l’automne 2015, à l’occasion des 25 ans d’Interreg, la Commission européenne a lancé une « revue transfrontalière », qui a débouché sur une Communication « Stimuler la croissance et la cohésion des régions frontalières de l’Union européenne » en septembre 2017. Le constat a été fait que de nombreux obstacles continuaient à entraver la coopération transfrontalière, en particulier ceux de nature juridique et administrative. La Communication fait référence aux travaux du groupe de travail sur un nouvel instrument juridique de résolution des obstacles. Puis la Commission européenne a présenté sa proposition de règlement « relatif à la création d’un mécanisme visant à lever les obstacles juridiques et administratifs dans un contexte transfrontalier », le 29 mai 2018. Celle-ci a été soumise à la procédure législative ordinaire de l’UE.

Un outil en négociation depuis 2018

La proposition de règlement de la Commission européenne s’est, dès le début, heurtée à des réticences de la part de certains Etats membres qui évoquaient des atteintes à leur souveraineté nationale. Malgré un avis favorable du Parlement européen ainsi que du Comité des régions et du Comité économique et social, elle a reçu un coup d’arrêt au sein du Conseil.

Un outil relancé en 2023

En 2023, le député européen Sandro Gozi, a présenté un rapport parlementaire qui visait à relancer les travaux quant à l’outil juridique de résolution des obstacles à la coopération transfrontalière. Comprenant une nouvelle proposition de règlement, il a été adopté par le Parlement en septembre 2023. Il s’appuie sur une étude soutenant que « la combinaison de mesures non contraignantes (« soft law ») avec l’adoption de l’outil juridique génèrerait environ 123 milliards d’euros par an et plus d’un million d’emplois ». Ensuite, le Parlement européen a demandé à la Commission européenne de présenter une proposition législative révisée dans les trois mois, à savoir avant le 13 décembre 2023.

Dans le même temps, un avis du Comité des Régions a soutenu le projet et a proposé également des modifications. Il a été adopté à l’unanimité en octobre 2023.

En réponse au Parlement européen, le 12 décembre 2023, la Commission a présenté une nouvelle proposition modifiée du règlement portant mécanisme de résolution des obstacles, appelé « Facilitating cross-border solutions ».

Vers l’adoption du Règlement BridgeforEU

C’est au cours du deuxième semestre de 2024, sous présidence hongroise, que le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont trouvé un accord provisoire sur le nouvel instrument. En janvier 2025, à l’issue de la période de négociations interinstitutionnelles, la dernière version du texte a été approuvée. Enfin, l’adoption du règlement et sa publication au Journal officiel de l’Union européenne sont intervenus en mai 2025.